Je viens d'achever la lecture du tome 2 de "La noce Basque".
Ce diptyque me fait penser à la phrase de langue allemande qui en
laisse percevoir son sens que lorsqu'a ètè posé le
dernier mot. C'est, en effet, au terme du second tome que m'est appaure
la véritable signification du titre "La noce Basque". C'est
un édifice littéraire bien charpenté que nous offre
l'auteur, très éloigné du romanesque plat de ceux qui
songent seulement á ficeler des histoires efficaces vite lues et
aussi vite oubliées. Ici, nous sommes á l'ecole de la Mémoire,
certes, mais aussi du "regard et de l'ecoute", car ces livres
se lisent comme on les entend, avec ce pouvoir incantatoire des mots que
le langage atteint parfois á la frontiére de la musique. Prodigieux
exercice d'ecriture!
L'auteur ne s'est pas contenté d'être un historien parcourant
un champ documnetaire trés vaste et bien méconnu pour faire
resurgir du passé des personnages aussi illustres que l'évêque
Bertrand d'Echauz ou le maréchal Jean- Isidore Harispe. En observateur
minutieux il a tenu un " carnet de route" avec le scrupule de
tout consigner, en cédant en rien á la tentation de taire
une part de la vérité ...cette part qu'il en suffit pas de
connaître mais qu'il faut faire advenir. Car Ermita est un homme d'action
qui se débat dans sa volonté mi-monacale mi-policiére
de se faire une vie d'ascése. Se retirer sur les hauteurs d'Oilandoi
en suffit pas. Basoi est lá pour lui rappeler les devoirs qu'impose
la Mémoire.
Ce cop de bruyére auquel je m'étais tant attaché
m'a fait beacoup souffrir par son cri de solitude et de désespoir
hurlant sa déchirure au milieu de la place du fronton de Baigorri.
S'il est vrai que "14 vers de Nerval vous secouent plus que 14 volumes
de Balzac", un coq devenu fou en dit plus long que tous les discours.
Roman de défi, Atxut n'est-il pas tout autant roman d'incantation,
d'invocation et de déploration, tout entier costruit autour d'une
duble absence: absence de Dara dont le souvenir inoubliable nous hante,
absence de reconnaissance douloureusement ressentie par ce " peuple
á la langue et á la culture minorisées" mais qui
entend vivre la tête haute?
Michel Oronos déploie sur ce sujet une imagination á fouetter.
Dans le grand cirque des hauteurs de Baigorri, quand " Sond Altesse
Eclectissime le Grand Crocomythe" soliloque en public dans des personnage
virtuel, tout comme le " Reférent culturel Pays Basque"
dans son " rôle minable de Monsieur Loyal de mascarade".
Hélas, qui et quoi de plus réels pour qui connaît la
langue de bois qui sévit toujours dans le rangs trés parisiens
du "politiquement correct", et dont les Crocolocaux en sont que
les porte-voix. Cette scéne hallucinante tient du chaos! Imposible
de reprende souffle sous ce déluge de phrases acérées,
véritable oeuvre d'entomologiste décortiquant l'univers de
ses mots. Avec quelle allégresse férce, quelle colére
étourdissante la vengeance se déchaíne dans un combat
d'apocalupse!
Certains retiendront peut-être de La Noce Basque une brillante
galerie de portraits, une succession de moments délirants, un journal
de bord précis. Mais en rester lá , c'est, me semble-t-il,
manquer l'esssentiel et cet essentiel en se percoit que par une sorte de
décodage retardé, ce que Jan Watt appelait á propos
de Conrad, le " delayed decoding". Longtemps, le lecteur flotte
á la recherche de repéres qui pourraient orienter sa lecture
pour en percevoir le fond. Se laissant aller á la musique des mots,
á la violence des scénes, á l'insolite des situations,
á la vérité des personnages, á l'obscurité
des signes, il est dans une sorte de malaise réceptif. C'est peu
á peu, au fil des pages et par éclairs successifes que la
lumiére apparaît, puis s'impose: nous sommes rappelés
á nous-mêmes.
Ressusciter le passé d'une Vallée en Pays Basque par l'evocation
de ses personnages illustres, faire sentir son âme par la magie de
ses poémes, de ses chants, de ses improvisateurs de génie,
consigner son art de vivre á travers des figures humbles et chargées
de culture ancestrale, nous renvoie comme un défi -Atxut- á
notre état présent. Le bilan, en la matiére, est lourd
d'interrogations et de riques. De ce désenchantement se dégage
pourtant une ultime fidélité et je remercie l'auteur de La
Noce Basque de nous le dire avec tant de force et de bonheur.
P.S. Je en puis omettre de signaler avec quel ravissement je me suis
laissé soulever, á la suite de Monsieur de Bayonne et de ses
acolytes, par le puissant mouvement de spirale incurvant la rampe de l'escalier
pour atterrir en doucer dans la forèt soutenant l'immense toiture
du châteu. Ce haut-lieu de Baigorri, amoureusement restauré,
reprend vie. Une oreille attentive pourrait, peut-ètre, y percevoir
l'écho feutré du PAX Vobis de son illustre ancêtre. |