Título de la publicación: Revista
Internacional de los Estudios Vascos
Año
de la publicación: 1919
Páginas
del artículo: 49-52 |
Au
cours de son intéressante «Note sur d’anciennes colonies
gasconnes en pays basque, publiée aux pages 75-79 du dernier
fascicule de cette revue, M. H. Gavel s’exprime ainsi (p. 77):
«Dans cette courte note, je n’ai point prétendu..... faire
une étude véritable de la question qu’elle concerne:
j’ai seulement voulu signaler cette question à l’attention
des érudits, qui pourront peut être faire les recherches
qu’elle comporte.....» Or en étudiant en octobre dernier,
grâce à l’obligeante entremise de M. J. de Urquijo,
à la Députation de Guipuscoa, les manuscrits laissés
par le Prince Louis-Lucien Bonaparte, j’ai trouvé, au milieu
de papiers divers ayant rapport aux langues romanes, le document
suivant, d’une écriture inconnue, et en tête duquel
le prince s’est borné à écrire à l’encre
rouge: Pasajes:
» Des Gascons du Passage
» On est étonné
d’entendre parler le Gascon dans quelques familles Basques Espagnoles
habitant la partie du Passage appelée Sn Juan:
» Cet étonnement
n’existera plus, quand on saura que le côté du Passage
nommé San Juan, a été en quelque sorte une
colonie française, fondée
par les anciens habitants de nos versants Pyrénéens.
Aussi San Juan conserve-t-il sa dénomination de Banda
de Francia, tandis que l’autre côté du Passage,
qui dépendait de l’arrondissement de Saint-Sébastien,
en 1805, a toujours été appelé Banda de
España.
» On trouve encore du côté
de San Juan des vestiges d’établissements édifiés
par les Français. Ces constructions remontent sans doute
à l’époque bien éloignée où
les marins béarnais et du cap Breton, unis à ceux
de Saint-Jean-de-Luz et d’Endaye, fatigués des vicissitudes
de mer occasionnées par la barre de l’Adour et les gros
temps si communs dans l’ouvert de Saint Jean-de-Luz, vinrent s’établir
au Passage, dont le port admirable, et les ressources en bois
et en fer offertes par la Navarre et le Guipuzcoa, étaient
d’un avantage inmense pour ces hardis navigateurs.
» Des compagnies furent bientôt
formées afin de pêcher la baleine; et plus tard,
quand ce cétacé s’éloigna des côtes
cantabriques, les Gascons et Basques français et Guipuzcoans
s’unirent de nouveau et pratiquèrent ensemble, dans le
nord, les grandes pêches de la baleine et de la morue.
» C’est le besoin d’un bon port qui
a amené nos pêcheurs et nos marins au Passage, et
le côté de San Juan eut la préférence
par la facilité de l’embarquement, la nature du fond pour
l’ancrage et toutes ses heureuses dispositions marines, en un
mot-de là le nom de Banda de Francia.—
» Il n’est donc pas étonnant
que le patois Béarnais et Gascon se soit perpétué
dans quelques familles, au Passage: car il y a eu forcément
de nombreuses alliances entre nos Gascons et les habitants de
ce pays, et si maintenant des mots Catalans et Majorquins se trouvent
mêlés aux expressions Vasco-Béarnaises, on
doit l’attribuer à la venue des marins et ouvriers Catalans
et Mahouais au Passage, lors de l’équipement des bâtiments
de guerre et de commerce construits en ce port.
» Les quelques mots employés
aujourd’hui se rattachent à une espèce de langage
corrompu, prenant sa source dans les divers patois qui ont été
accidentellement parlés au Passage, mais tous dérivant
de la langue Romane.
» Le côté Banda de
Francia est revenu peu à peu à la langue Basque
et à l’Espagnol, avec cette différence qu’on y parle
plus l’Espagnol que le Basque, les descendants des Gascons s’arrangeant
beaucoup mieux des analogies offertes par la langue Espagnole
que des contrastes et des difficultés de la langue Basque.
» On doit l’observer, pendant les
guerres de l’Empire, le Passage servait de point de départ
et de refuge aux corsaires, et les relations de ces derniers avec
la Banda de Francia ne pouvaient que perpétuer les
habitudes de moeurs et de langage implantées par les anciens
Gascons.
» Le port du Passage a eu nom d’abord
Portua; puis il s’est appelé Zavala, par
syncope de Arrizavala, plus tard Arando, aujourd’hui
Pasaje; et ce nom d’après les Chroniques remonterait
à Auguste.
» Le Passage est le port d’hiver
de Saint-Sébastien et serait son plus bel entrepôt:
il devrait s’appeler port sauveur. Son importance est telle, que
les nations maritimes pourraient demander comme une grâce
à l’Espagne de voter à frais communs l’entretien
de son port.
» Il ne faut pas s’y tromper, depuis
le cap Breton jusqu’au cap Machichaco, les navires affalés
sur la côte et battus par des vents contraires, n’ont d’autre
abord que le Passage.
» Qu’on se figure
que ce port, encombré maintenant par la vase, était
un clos plus vastes chantiers et des plus profonds réservoirs
de l’Espagne: on construisait des frégates de 70 canons
là où les chasse-marée de 10 tonneaux ne
pourraient pas mouiller aujourd’hui; et, chose étrange,
l’on voit encore de l’autre côté de la baie, à
Renteria, qui ne possède plus qu’un mince filet d’eau,
on voit d’énormes anneaux en fer scellés dans les
murs, et à ces anneaux venaient s’amarrer les nombreux
vaisseaux de la compagnie de Caracas.
» Il y a tout au plus cinquante-neuf
ans, la flotte anglaise commandée par l’amiral Rodney enleva
le grand convoi expédié du Passage par la compagnie
de Caracas. On prétend que les huit bâtiments de
guerre, six qui servaient d’escorte, entre autres le vaisseau
de ligne l’Assomption avaient été construits au
Passage.
» Le Passage a toujours tenu à
ses fueros. En 1727, le cardinal Alberoni voulut mettre des douanes
au Passage, mais il fut obligé de céder aux remontrances
pleines de dignité que firent cette ville et la Province
de Guipuzcoa. Deux cents ans auparavant, le connétable
Fernandez de Velasco n’avait pas été plus heureux.
»
Nous laissons à ceux de nos
collaborateurs et lecteurs qui s’occupent spécialement
d’histoire le soin d’étudier le texte qu’on vient de lire
et d’en chercher d’autres se rattachant au même sujet.
GEORGES LACOMBE |