Les Basques, au cours de l’Histoire et aux quatre coins du monde, s’organisent autour d’une structure, la Maison Basque ou Euskal Etxea. Le travail que nous désirons mener consiste à comprendre ce phénomène de création d’Euskal Etxe à travers le monde.
L’année de DEA représente une sorte d’introduction du futur travail de thèse ; étape indispensable en amont, elle est sa « colonne vertébrale ». Notre intitulé se fait l’écho d’un grand nombre de thèmes importants à « décortiquer » avant d’entamer la recherche historique proprement dite.
A quels outils conceptuels devons-nous faire appel au moment d’étudier un thème comme le nôtre ?
Nous ne pouvions entamer notre réflexion générale sans consacrer une partie à la réflexion historiographique. La manière d’étudier le sujet a beaucoup évolué dans le temps, et fait l’objet d’un intérêt scientifique réel récent (objet de notre première partie). Dans une seconde partie, nous définissons des concepts importants au moment d’étudier le regroupement des Basques à l’extérieur de leur lieu d’origine (identité, ethnicité, migration, diaspora). Enfin, dans une troisième et dernière partie, nous recentrons la réflexion sur le thème précis de l’émigration basque et des institutions basques. Tout ceci nous conduisant à évoquer un projet de recherche partant de cette approche théorique, et visant à étudier le phénomène des Centres Basques dans le monde.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il nous semble important d’éclairer certains points autour de notre intitulé. Il nous faut nous attarder sur le concept basque, sujet à polémique dans la conjoncture historique et sociopolitique actuelle. Nous prenons en considération l’émigration nommée en langue basque Euskal Herria, c’est-à-dire autant la Communauté Autonome Basque, la Communauté forale de Navarre et la région basque nord pyrénéenne. Ce choix est amené par le sujet d’étude lui-même. La réflexion d’Oscar Alvarez Gila à ce sujet est très claire et situe l’espace choisi sans aucune équivoque : Posiblemente no exista otro fenómeno en la historia contemporánea de Euskal Herria que haga más necesario una análisis que tome en consideración la totalidad de Euskal Herria. Una cabal comprensión de los fenómenos que condicionaron la formación y el desarrollo histórico de dichas colectividades exige al historiador adoptar una imagen completa y compleja del País Vasco. En todos los países americanos que recibieron inmigrantes vascos en los siglos XIX-XX, indefectiblemente se ha acabado por constituir unas particulares identidades vascoamericanas en las que se integraron inmigrantes procedentes de todos los territorios vascos, tanto españoles como franceses. Sin caer en explicaciones simplistas o tautológicas, y reconociendo en modo alguno que este proceso fue unívoco o uniformador, resulta innegable que en Argentina, Cuba, Uruguay o Estados Unidos se produjo, antes o después, una unificación identitaria de la colectividad vasca. Y esto, que duda cabe, condiciona el modo en el que el investigador debe encarar el entramado de explicaciones históricas sobre las que sustenta la formación de estas colectividades1.
Nous avons également procédé à un choix temporel : XIX-XXème siècles. Bien sûr, l’émigration basque et la marque de sa présence à l’extérieur de ses frontières traditionnelles est beaucoup plus ancienne.
Pour ce qui est de l’historiographie touchant à l’émigration basque, nous pouvons la considérer comme pauvre jusqu’aux années 1980. Cette nouvelle donne historiographique, cet intérêt croissant sur ce thème étant relié directement à l’approche du 500ème anniversaire de la découverte des Amériques. Mais cet engouement repose sur une base fragile, une commémoration, et s’essouffle donc vite. Nous pouvons considérer l’historiographie de l’émigration basque comme très bancale. Si nous observons une historiographie abondante sur les causes de l’émigration, d’autre part, un autre domaine commence à être défriché, l’histoire sociale contemporaine de l’émigration basque. Mais nous ressentons un vide important en ce qui concerne l’évolution historique. Enfin, il est à noter le peu d’attention consacrée au phénomène migratoire basque au XXème siècle, et aux destinations européennes en particulier.
Notre travail se veut être une conceptualisation de notre futur sujet de thèse traitant des institutions basques dans le monde. Autour de ce sujet se rattachent alors quelques concepts généraux que nous définissons, pour les appliquer à notre étude. Le regroupement des Basques autour d’institutions basques, hors du Pays Basque témoigne du maintien de l’identité basque dans le nouveau pays d’accueil. Par conséquent, nous réfléchissons sur le concept d’identité en général, puis ressortons ses caractéristiques au Pays Basque, ainsi qu’à l’extérieur de celui-ci. De plus, relié au premier concept évoqué, nous mentionnons le concept d’ethnie, très souvent mentionné dans le cas des identités collectives. Le concept de migration ainsi que ses variantes attirent notre attention. Enfin, nous réfléchissons au concept de diaspora, concept très répandu au niveau des études migratoires, mais qui, à notre avis, ne peut s’appliquer aux Basques. Ces différents concepts se présentent être très controversés dans le sens où ils désignent des significations, des réalités, aussi différentes que variées.
Il ne nous restait plus qu’à appliquer les divers concepts cités et préalablement définis à notre sujet. Il nous fallait répondre à une question essentielle : que signifie être basque ? Le concept d’identité est tout sauf fixe et uniforme. En effet, ses références peuvent être plurielles et ses contextes référentiels ne cessent d’évoluer (identité basque, au Pays Basque, mais également à l’extérieur). C’est pourquoi il serait plus juste d’évoquer cette identité au pluriel : les identités basques, ou du moins les différentes manifestations de cette identité.
Si nous nous sommes rendus compte que le débat quantitatif du processus migratoire basque contemporain, ainsi que le thème des facteurs de celui-ci comportent des lacunes encore importantes, d’autres thèmes présentent un vide historiographique encore plus criant. Nous savons peu de choses sur la vie des émigrants sur le sol nouveau, ainsi que son évolution. La formation de communautés émigrées paraît être un phénomène commun à beaucoup d’émigrations humaines. A partir de réseaux personnels et institutionnels s’établit un contact entre les membres de la communauté. La vitalité avec laquelle les émigrés maintiennent ces réseaux est d’une grande importance à l’heure de la permanence du sentiment identitaire du groupe. Que sont exactement ces Centres Basques ? Il s’agit d’associations formelles qui comprennent des personnes se trouvant dans une même situation et qui se regroupent pour s’entraider afin d’atteindre des objectifs communs ou d’affronter des problèmes communs. Mais ils ne sont pas les seuls témoins de l’organisation institutionnelle basque. Très tôt, des institutions informelles voient le jour alors que la création des Euskal Etxe date de la fin du XIXème siècle. Nous émettons alors des hypothèses au sujet de l’apparition tardive des Centres Basques. La nécessaire collaboration entre des immigrés installés et des immigrés récemment arrivés ? La venue en masse de réfugiés politiques basques de la guerre civile espagnole ? Chaque Euskal Etxe naît dans un contexte particulier ; Etats Unis/Argentine, ville/campagne, communauté basque établie ou récente, vie associative basque existante ou non. Il nous faut prendre tout cela en compte pour expliquer pourquoi les Centres Basques fleurirent ici et pas là-bas ; pourquoi ce phénomène mit plusieurs générations à émerger dans certains endroits, beaucoup plus rapide dans d’autres. En outre, il serait erroné de chercher les « mécanismes » de ces phénomènes sans donner leur place aux acteurs eux-mêmes. Divers « leaders » peuvent se dégager. Un groupe qui, de par son capital financier ou relationnel, peut permettre la réalisation du Centre. Nous avons également réfléchi sur l’évolution des Centres Basques dans le temps, avec la constatation de l’évolution progressive de leur rôle, et strictement lié à cette dernière affirmation, l’évolution du rapport de la communauté avec ces Centres.
A partir de cette réflexion générale, différents questionnements nous viennent à l’esprit, base de notre futur travail de recherche. Dans quelle mesure pouvons-nous affirmer que les Centres Basques sont le reflet de la société basque avec ses débats, ses querelles, ses problèmes ? Quel rôle jouent-ils dans cette construction d’une identité bascoaméricaine originale ? Comment voient-ils leur rôle évoluer ?
1Óscar Álvarez Gila, 20 años de historiografía sobre la emigración y presencia vasca en las Américas (siglos XIX-XX), travail prononcé lors du vingtième anniversaire de la revue la Vasconia d’Eusko Ikaskuntza.
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