Elle a pris la retraite l'année dernière, mais
elle ne s'est pas pour autant retirée du monde du travail.
Au contraire. N'ayant trouvé personne pour la remplacer,
elle est dans l'obligation de continuer son cours public d'histoire
du droit basque à la faculté de Bayonne, en tant que
professeur émerite. Elle continue aussi à donner des
conférences. Elle participera le 20 juin prochain au colloque
sur la femme organisé par le centre de Recherche de Paris
ainsi que le centre de Recherches sur la Langue et les Textes basques
IKER à la mairie de Bayonne. Elle y donnera une conférence
sur la femme basque au travers des droits qui lui était conférés.
-Vous allez participer
à un colloque où vous donnerez une conférence
sur le traitement de la femme dans les droit basque, de quelle particularité
faisait-elle l'objet?
Il existait une égalité totale entre la femme et l'homme
dans le droit basque. Il n'y avait aucune différence entre
les deux sexes du point de vue juridique. C'était l'aîné
qui héritait de la maison, femme ou homme. En Labourd, l'héritière
avait le pouvoir de décision. Lorsqu'elle était en
désaccord avec son mari, c'était sa voix qui l'emportait.
Ce principe est très particulier dans le Pays basque. Par
exemple en France en 1804 Le Code civil consacre "l'incapacité
juridique de la femme mariée ». Ce Principe est commun
à toutes les coutumes en France depuis le XVIème siècle.
La femme ne pouvait faire aucun actes juridiques sans être
autorisé par son mari. Si elle n'avait pas d'autorisation,
l'acte était nul. Ce principe a duré jusqu'au XXème
siècle. On l'a supprimé en 1938.
-Quel regard portez-vous
sur ce droit basque?
Cétait un modèle de société. Le pouvoir
appartenait aux maisons, aussi bien au Pays basque Sud qu'au Nord.
Ce droit révèle comment la société basque
était organisée pendant des siècles. Il révèle
un état d'esprit différent de celui qui existe ailleurs.
Le droit n'était pas individualiste. Par exemple, la droit
de propriété au Pays basque était collectif,
se qui explique le succés des coopératives. J'ai un
étudiant qui a commencé sa thése sur les manifestations
de la solidarité basque. Il a trouvé beaucoup de documents
dans les archives. En ce qui concerne le patrimoine familial, le
respect de la maison ancestrale expliquerait pourquoi le Pays basque
est demeuré lui-même pendant des siècles, qu'il
a survécu. Maintenant avec l'invasion des étrangers,
les basques se retrouvent en minorité. Nous pouvons, par
exemple voir de belles fermes se vendre par appartements. Le morcellement
des propriétés, c'est la fin du Pays basque.
-A
l'heure actuelle que reste-il du droit basque?
Le droit basque est toujours en vigueur dans certains endroits le
Pays basque Sud. Il est légalisé. Dans l'arrière
pays, dans les zones aforadas on ne peut pas vendre la maison. Ces
terres sont soumises aux Fors. Au Pays basque français, vers
l'intérieur, ce droit existe toujours à l'état
d'usages, il subsiste. Il y a toujours un seul héritier,
les patrimoines ne sont pas partagés, ni vendus. La ferme
n'est pas divisée. A l'arrivée du Code Civil en France
la conception individualiste a été introduite. Au
Sud aussi cette conception s'est introduite par d'autres biais.
La propriété n'est plus indivisible. Le propriétaire
a tous les droits. Il a le droit de se servir de la chose, de jouir
des fruits et d'en disposer. Et, evidemment les propriétés
se sont vendues. Au Pays basque Nord, surtout sur la côte,
il suffit de regarder autour de soi pour voir le nombre de maison
individuelle. Le foncier atteint des prix considérables.
Les paysans, garants de la tradition de la maison indivisible, sont
eux aussi tentés de vendre. Le paysage a ainsi beaucoup plus
changé dans ces dernières années, que pendant
des siècles, lorsque le droit basque était encore
en vigueur.
-Vous continuez
à donner des cours publics de droit basque alors que vous
êtes à la retraite depuis l'année dernière,
pourquoi cela?
Tout simplement parce qu'il n'y a personne pour me remplacer. Il
n'y a pas d'universitaire basque affilié à l'université
de Pau qui soit juriste, et qui puisse ainsi, prendre ma suite.
Une université de plein exercice est revendiqué au
Pays basque Nord, mais en attendant, à Bayonne nous n'avons
personne pour nous remplacer. A l'heure actuel une université
de plein exercice au Pays basque Nord est une utopie. Les professeurs
ne veulent pas venir à Bayonne. De plus, je ne trouve personne
pour prendre ma suite au Centre d'Etudes basques de la Faculté
de Bayonne. Les études basques qui se font à Bayonne
ne permettent pas de devenir juriste. Dans les élèves
qui entament des études de droit, peu s'intéressent
au droit basque. D'autres part, il y a très peu de non basques
qui se penchent sur le droit basque. Ceux qui sont originaire des
alentours du Pays basque préfèrent étudier
le droit espagnol. Ici même il y a un droit très particulier,
mais ils n'en tiennent pas compte. Il reste d'ailleurs beaucoup
à faire sur le droit, ainsi que sur le Pays basque en général.
-Pouvez-vous nous
dire quelques mots sur les particularités du droit basque
qui vous passionne tant?
En
ce qui concerne le droit privé, l'organisation de la famille
et le droit de propriété étaient très
originaux au Pays basque. La propriété basque n'était
pas individualiste. L'héritier est, en vérité,
seulement le gestionnaire des biens, il ne pouvait pas vendre. En
basque on le nommait etxerakoa, soit, celui qui est pour la maison.
Le propriétaire c'était toute la famille. De même
pour les terres communales, la propriété était
collective. En Labourd elle appartenait à tous les habitants
du village, en Soule à tous les habitants de la Soule, et
en Basse Navarre, à chaque vallée ou pays. Au Sud
c'était pareil.
-Le droit public
était aussi original, non?
C'était la démocratie. Prenez par exemple le Biltzar
du Labourd. Dans chaque village, les assemblées de maîtres
de maisons se réunissaient à la sortie de la messe
le dimanche. Chaque maison avait une voix, quelle que soit son importance.
Les maîtres de maison décidaient de tout ce qui concerne
la communauté, toujours à la majorité. Puis,
ils désignaient un représentant pour l'Assemblée
Générale ou Biltzar. La réunion du Biltzar
se déroulait en deux session. A la première, le Syndic
exposait les propositions avec explications et commentaires. Puis
les représentants retournés dans leurs villages ou
les maîtres de maison votés sur les propositions. Les
députés ramenaient les réponses à une
seconde session du Biltzar. Chaque paroisse avait une voix. A la
différence de ce qu'on appelle démocratie de nos jours,
celle-ci n'était pas individuelle. C'était chaque
maison qui avait une voix, et non chaque individu. La démocratie
est à base familiale.
-Le droit matrimonial
est aussi assez spécifique, non?
C'était toujours dans le même état d'esprit,
soit la conservation de la maison à travers les générations.
Les maisons étaient immuables, quasiment sacrées.
Généralement, l'héritier épousait la
cadette et l'héritaire, le cadet. Si l'héritier mourait
sans enfants, c'est comme s'il n'y avait pas eu de mariage. C'était
la séparation totale des biens. Elle ou lui reprenait sa
dot. Si la cadette mourait, l'héritier rendait la dot à
la famille de la cadette. S'il y avait un enfant, automatiquement,
c'était la communauté totale de tous les biens. Si
l'héritier mourait, sa femme pouvait même se remarier
dans la maison. Elle y était intégrée.
-En ce qui concerne
la forme, le droit basque était coutumier, pouvez vous nous
expliquer ce terme?
Le
droit sous l'ancien régime était coutumier. Au Pays
basque entre autres. La loi et la coutume sont deux sources opposées
du droit. La loi est autoritaire, imposée par un pouvoir,
la coutume est née du peuple lui même. Le droit est
devenue coutumie à une époque où il n'y avait
pas de pouvoir légiférant,à la fin de l'époque
carolingienne. Les populations se sont fait leur propre droit. Elles
ont organisé leurs relations. Il y avait autant de coutumes
qu'il y avait de communautés. Ce droit fùt rédigé
contre l'invasion du droit romain, XVIème siècle en
France. C'est grâce à ces écrits notamment,
ainsi qu'aux archives notariales que nous pouvons l'étudier,
même si la terminologie du droit romain, en vigueur à
l'époque, à été adopté.
Une
vie consacré au droit basque
Née en 1934, elle avait arrêté
ses études de droit après s'être
mariée. Par les hasards de la vie, elle
s'est intéressée au droit basque.
Lorsqu'elle a divorcé et s'est remise aux
études, elle a fait sa thèse sur
les contrats de mariage au Labourd sous le règne
de Louis XVI. C'est là qu'elle a découvert
ce droit basque. Depuis elle n'a pas arrêté
de l'étudier. Aujourd'hui à la retraite,
elle continue son travail dans le Centre de recherche
d'Etudes Basques de la faculté pluridisciplinaire
de Bayonne qu'elle a elle même créé.
Vis à vis de l'administration elle ne le
dirige pas, mais en réalité c'est
elle qui le maintient en vie. Elle prépare
la publication d'un colloque fait en 2000. Il
traite du droit de la famille comparé,
en Guipuzcoa, en Biscaye, en Navarre, en Pays
basque Nord, ainsi qu'en France et en Espagne.
D'autre part, elle coordonne deux autres projets.
L'un s'intitule « le droit et l'organisation
des espaces au Pays basque : influences de la
conceptions du droit de propriété
sur le paysage». Elle prépare un
autre travail sur les religions de l'origine à
nos jours au Pays basque. Elle est aussi toujours
enseignante. Elle donne des cours public de droit
basque à la faculté de Bayonne.
Elle débuta à Pau puis à
Bayonne. Par l'intermédiaire d'Eugène
Goienetxe elle débuta en tant qu'assistante,
puis maître assistante, maître de
conférence puis professeur. Elle est venue
à Bayonne lorsque l'antenne universitaire
a été créé. Elle a
d'ailleurs, elle même participé à
sa création. |
|
|
Photos: Nora Arbelbide
-
Euskonews & Media 215. zbk (2003
/ 06 / 20-27) |