50 ans au Québec… et toujours bascophone ! (1/2)

Maitane Arizti, Naroa Azurmendi, Adur Basurko Pérez de Arenaza, Etor Garat, Xabier Harlouchet, Haritz Mazizior, Urko Rodriguez, Michel Usereau
Jatorrizko bertsioa euskaraz

Euskaldunak (www.euskaldunakquebec.com), l’association des Basques du Québec, est née il y a environ 8 ans. Parmi ses membres, il y a des personnes qui ont quitté le Pays Basque il y a plus de cinquante ans. Il est vraiment remarquable de constater que ces personnes ont gardé des liens avec leur pays d’origine durant plus d’un demi-siècle. C’est l’expérience de ces membres que nous présenterons dans les deux prochains articles. Les trois personnages que vous découvrirez ont des points communs : ils sont arrivés au Québec il y a cinquante ans…. et utilisent toujours le basque !

Ce premier texte nous permettra de faire la connaissance de madame Hélène Bidegain ; le deuxième texte «50 ans au Québec… et toujours bascophone ! 2/2» présentera messieurs Jean Osptial, d’Ossès, et Jules Candau, de Luxe-Sumberraute.

Le lecteur de ces articles est invité à participer aux activités de l’Association Euskaldunak, lorsqu’il visitera le Québec. Grâce à cela, il aura l’occasion de parler en basque avec ces 3 personnages et il pourra compléter certaines parties de leur histoire qui auront été survolées dans ces récits.

Introduction

Hélène Bidegain nous a invités chez elle, dans le quartier Jean-Talon de Montréal, en décembre 2003. L’entrevue a eu lieu en basque lors d’une journée froide mais ensoleillée de l’hiver québécois. En rentrant chez Hélène Bidegain, les photographies et les souvenirs qui décorent sa maison, nous ont tout de suite donné l’impression d’être retournés au Pays Basque. Hélène Bidegain, une dame dynamique de près de 81 ans, a répondu avec entrain aux questions posées par les professeurs du cours de basque de Montréal.

Dans une première partie, nous présenterons la vie d’Hélène Bidegain, puis nous nous pencherons sur les liens avec la langue basque et le Pays Basque d’une Basque qui est restée près de cinquante-deux ans à l’extérieur du pays.

Hélène Duhalde

Hélène Duhalde (qui deviendra par mariage Hélène Bidegain) est née le 8 février 1923 à Villefranque (http://www.infobasque.com/villes/vilacc-f.htm).

Ses parents sont nés à la fin du XIXe siècle. La mère d’Hélène Bidegain , Jeanne Durcudoy, est décédée à la fin des années 50 à 75 ans. Le père d’Hélène est né en 1886. À cause des gaz de combat utilisés lors de la Première Guerre mondiale, il est revenu à la maison invalide. Ne s’étant jamais complètement remis de ces blessures il mourra en 1939 à 53 ans.

Hélène est la dernière née d’une famille de trois enfants et a deux frères.

Le premier, René, est né en 1910 et, à 94 ans, vit toujours en Béarn. Durant la Deuxième Guerre mondiale, il est resté à la ferme comme soutien de famille, et a par la suite pris soin de la ferme familiale jusqu’à sa vente.

Le deuxième, Jean, est né en 1917 et est décédé à presque 87 ans, au début de l’année 2004. Il avait participé à la 2e Guerre mondiale durant deux ans avant d’être fait prisonnier. Après près de cinq ans de prison en Allemagne, les Russes l’ont libéré et amené en Russie où il a dû rester près de 8 mois sans pouvoir donner de nouvelles à la famille. Hélène et sa mère allaient tous les jours à la gare de Bayonne pour savoir si les anciens prisonniers qui arrivaient avaient eu des nouvelles de Jean Duhalde. Un jour où Hélène s’était rendue toute seule à la gare, elle a eu sur place des nouvelles d'un Duhalde qui était à Bordeaux et préparait son arrivée à Bayonne. Hélène était tout de suite retournée à la maison pour annoncer la bonne nouvelle et sa mère lui montra le télégramme de Jean qu’elle venait d’avoir !

Argazkia
Hélène Bidegain et sa 3e fille.

Hélène Bidegain

En 1946, à l’occasion des fêtes du quartier bas de Villefranque, un bal était organisé. Hélène et toute sa famille étaient présents à ce bal où le fandango était animé par le txistu et l’accordéon. Un jeune homme a invité Hélène à la danse, mais elle a décliné l’offre… Alors qu’elle attendait la danse suivante, un autre garçon s’était approché d’elle. Il s’agissait de Jean-Baptiste Bidegain ! Faisant fi des règles habituelles en de telles situations, sans attendre la danse suivante, elle est entrée dans la danse immédiatement avec Jean-Baptiste. Deux ans plus tard, ils se mariaient. .. non sans avoir bien participé aux différentes fêtes de villages animées par les musiciens Itxuia (surnom désignant un aveugle) et Gérard Luc. À l’époque, Hélène était aussi animée que de nos jours. Elle nous mentionne que le musicien de Villefranque, Itxuia, arrivait toujours à deviner la présence d ‘Hélène rien qu’en écoutant la démarche qu’elle avait.

Jean-Baptiste Bidegain est né à Bidarrai. Lors de la Deuxième Guerre mondiale, il a été emprisonné à Miranda (en Espagne) et de là il s’était rendu au Maroc. À la fin de la Guerre, il s’était installé comme orfèvre et serrurier dans le quartier St-Esprit de Bayonne. Cela lui permettait de participer aux différentes fêtes de villages des environs… comme celles de Villefranque où il avait rencontré Hélène.

En 1948, Hélène et Jean-Baptiste se sont mariés et se sont installés à Bayonne. Leur premier enfant est né en 1948 et le second en 1950.

Hélène a commencé à travailler à Bayonne pour le compte de la compagnie « Pâtes alimentaires Etchevers ».

Le jeune couple avait des sources de revenu ainsi qu’un niveau de vie confortables. Cependant, les publicités dans la presse au sujet du monde du travail et de la vie au Québec, ont éveillé leur intérêt. Ainsi, ils ont décidé, avec un esprit d’aventure et avec l’objectif d’avoir un avenir encore meilleur, de tenter une expérience de quelques années de vie en Amérique du Nord. Après avoir complété les dossiers de candidature à l’immigration à Bordeaux, il ne leur a fallu environ deux mois pour obtenir toutes les autorisations nécessaires. Comme nous l’a rappelé Hélène, à cette époque, ils laissaient une ambiance d’après-guerre, pour retrouver, pleins d’espoir, un continent qui avait un grand besoin de travailleurs ayant un métier, comme Jean-Baptiste.

Durant 50 ans, les seuls Bidegain du Québec !

C’est en septembre de l’année 1951 que Jean-Baptiste est parti avant le reste de la famille rechercher un logement et un travail au Québec. Le 10 novembre de la même année, Hélène et ses deux enfants, après avoir pris le bateau dans le nord de la France, commencèrent un voyage de quatorze jours. Elle s’étonne encore du courage qu’elle avait dû avoir à l’époque pour entamer un tel voyage. Deux autres Basques (Martikorena et Larretegi) l'ont aidée à voyager. Tout le monde est arrivé à Montréal le 24 novembre 1951.

Dans les premières années qui ont suivi l’arrivée des Bidegain au Québec, Hélène a eu deux autres enfants. C’est la raison principale pour laquelle les Bidegain ont retardé, et par la suite écarté, leur projet initial de retour au Pays Basque.

D’autre part, Jean-Baptiste a acquis petit à petit une certaine réputation au Québec en tant qu’orfèvre. Dans de nombreuses églises on peut encore trouver ses oeuvres : le baldaquin de l’autel de Ste-Anne-de-Beaupré, le tabernacle et l’autel de la Cathédrale de Montréal, etc., en sont des exemples.

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De gauche à droite :
Michel Usereau, Hélène Bidegain, Adur Basurko et Urko Rodriguez

De son côté, après avoir élevé ses quatre enfants, Hélène a décidé de travailler à l’extérieur de la maison à l’âge de 51 ans. Ainsi, durant onze ans elle a travaillé à l’Hôpital Notre-Dame où elle a préparé la nourriture pour les patients. C’est aussi à l’âge de 60 ans qu’elle a commencé à apprendre à conduire la voiture.

Dans les années 90, alors que le couple Bidegain était à la retraite, Hélène et Jean-Baptiste passaient six mois en Floride à chaque année afin de fuir l’hiver québécois !

Enfin, en 1999, Jean-Baptiste Bidegain est décédé, à l'âge de 82 ans.

Il faut souligner que durant un demi-siècle, Hélène, Jean-Baptiste et leurs enfants étaient les seuls Bidegain à Montréal. Cette année, un nouvel arrivant, originaire du Vénézuela, s’est installé à Montréal et a pour nom de famille… Bidegain !

50 ans hors du Pays Basque et toujours bascophone !

1 / Quels sont les moyens pour apprendre le basque ?

Tout d’abord, Hélène nous a précisé que durant les cinquante-trois ans de vie commune avec Jean-Baptiste, ils ont beaucoup utilisé le basque entre eux.

D’autre part, la maison des Bidegain est rapidement devenue une sorte de Maison Basque pour tous les nouveaux arrivants qui y trouvaient leur première chambre. La maison d’Hélène et de Jean-Baptiste était soit une sorte de pension pour les nouveaux arrivants, soit un lieu de vacances pour les Basques travaillant à l’extérieur de Montréal et n’ayant pas de pied-à-terre en ville !

Ainsi, nous pouvons donner un échantillon de noms de Basques qui sont passés chez les Bidegain à travers les années :

Années 50 :

* Luro eta Lagourgue, deux Souletins, travaillant à Sept-Îles et venant chez les Bidegain pour leurs vacances.
* Inchauspe de St-Palais, qui faisait un excellent jambon.
* Ourkia, d’Halsou, qui travaillait dans un garage.

Années 60 :

* Christian Darraspe, d’Urcuit, travaillant comme boucher.

Années 70 :

* Jean-Léon Zuburu, de Bidarrai, travaillant dans la restauration et qui est parti s’installer à San Francisco.
* Léon Lucu, de Bidarrai, travaillant dans la restauration.

Le fait d’avoir des relations avec tant de Basques nous amène à conclure qu’Hélène devait avoir beaucoup d’occasions de chanter. C’est ce qu’elle nous a confirmé en nous chantant une partie de son répertoire composé de «Iruiten ari nizun», «Ikusten duzu Goizean», «Trukean Keinuarekin», «Bizi niz Munduan», «Haurrak Ikas», «Boga Boga», «Gernikako Arbola», etc.

Enfin, les voyages qu’ils ont faits au Pays Basque ont été autant d’occasions en or pour pratiquer la langue basque.

2 / Quelle est la valeur des voyages pour maintenir les liens avec le Pays Basque ?

Dans un premier temps, les Bidegain ont maintenu les liens avec le Pays Basque via des correspondances et quelques appels téléphoniques. Leur premier retour au Pays Basque a eu lieu presque quinze ans après leur arrivée au Québec, en 1965.

Depuis, ils retournaient au Pays Basque tous les deux ans pour y passer un mois au complet, à Bayonne, dans la maison de leurs amis Hiriart.

3 / Quels sont les changements que l’on trouve au Pays Basque après cinquante ans de vie à l’étranger ?

Ce qui a surpris Hélène est la possibilité qui existe de nos jours d’apprendre et d’utiliser le basque via les dictionnaires et autres médias.

D’autre part, Hélène nous a rapporté une autre agréable surprise qu’elle a eue lors de son dernier voyage. Un commerçant d’Irisarri leur a donné 10 % de rabais parce qu’Hélène avait commandé son foie gras en basque !

4 / Quelques comparaisons entre le Québec et le Pays Basque :

Selon Hélène, au Québec, les relations entre les personnes sont plus simples et directes et d’une certaine façon il y a moins de complications. Pour elle, le Québec a été un endroit agréable pour travailler et sentir une certaine solidarité. Elle a d’ailleurs souvent senti lors du dernier demi-siècle, les Québécois prêts à donner un coup de main !

Cependant, aux personnes qui voudraient venir du Pays Basque tenter leur aventure, Hélène recommande qu’ils y aillent doucement ! En effet, les rêves ne se transforment pas toujours immédiatement en réalité. Mais l’aventure est à tenter : même si la température est froide en hiver, à l’intérieur (des maisons et des cœurs) il fait souvent très bon !

Enfin, Hélène Bidegain a pour projet d’avenir de faire un voyage au Pays Basque avec ses petits-enfants Mario et Bruno !

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