Maitane
Arizti, Naroa
Azurmendi, Adur
Basurko Pérez de Arenaza, Etor
Garat, Xabier
Harlouchet, Haritz
Macicior, Urko
Rodriguez, Michel
Usereau
Jatorrizko bertsioa euskaraz
Dans la section Kosmopolita, il y a déjà six textes qui parlent des liens entre le Québec et le Pays Basque. Les deux textes qui vont suivre ont le même objectif… même s’ils prennent un chemin différent. Ainsi, dans les textes « Québécois et bascophones ! 1/2 et 2/2 », ce sont des Québécois que vous allez connaitre ! Ils s’appellent Michel Usereau, Nicole Lefebvre, Éric Barrette et Marc Sardi. Même si quelques-uns de ces noms de famille sont très fréquents dans les parages, il y a très peu de Québécois capables de tenir une conversation au complet en basque comme nos quatre personnages !
La série d’entretiens qui va suivre vous permettra de connaitre des formes différentes de liens qui peuvent exister entre la langue et le pays basques et des Québécois(es). D’un côté, les lecteurs bascophones auront plaisir à voir comment Michel, Nicole, Marc et Érick parlent le basque. De l’autre, les lecteurs non-bascophones trouveront d’excellentes raisons pour commencer ou continuer à étudier le basque !
Nous vous souhaitons une très bonne lecture !
Michel Usereau :
L’entrevue ci-dessous a été entièrement réalisée en basque, tant de la part de l’intervieweur que de la part de Michel Usereau.
Présentation du personnage
Michel Usereau est né en 1974 à Ormstown, une ville de 2000 habitants au sud de Montréal. En 1992, il est allé vivre à Montréal. En 1996, il a commencé des études de linguistique à l’Université de Montréal. Actuellement, il enseigne le français et le québécois (dialecte du français) dans les cours de français pour immigrants organisés par le gouvernement du Québec.
En première année de linguistique, un professeur breton lui a présenté les langues d’Europe. Quand les caractéristiques du basque ont été présentées, elles lui ont paru très intéressantes. C’est alors que l’intérêt pour la langue basque est né et que Michel s’est mis à apprendre l’euskara.
Comment as-tu appris le basque?
C’est en 1999 que j’ai commencé à apprendre le basque avec le livre d’Alan King que j’avais trouvé à la bibliothèque. Par la suite, en 2001, j'ai fait mon premier voyage au Pays Basque, qui a duré quatre mois. Durant cinq semaines, je suis resté dans les cours intensifs d’Urepele et de Lazkao, et ces cours ont été très bénéfiques. Jusque-là, le basque était pour moi une langue qui n’apparaissait que dans les livres ; là-bas, c’était la première fois que j’écoutais le basque et qu'il devenait un moyen pratique de communication. Par la suite, je suis allé dans différents coins du Pays Basque. Le deuxième voyage s’est déroulé en 2003. J'ai fait de nouveaux cours intensifs à Lesaka et à Urepele. Dans l’ensemble, j’ai été très bien reçu et j’ai rencontré des gens très intéressants.
Pourquoi as-tu appris le basque ?
Je pourrais dire que c’est parce que les langues m’intéressent, mais ce n’est pas que pour ça. Je savais que nos deux pays se trouvaient dans des situations semblables - tous deux sont entourés de pays aux cultures puissantes, et tous deux doivent protéger leur identité et renforcir leur langue, sinon elles sont vouées à disparaitre. Je pensais aussi - sans preuves à ce moment-là, mais en fin de compte j'ai eu raison - que dans une situation aussi périlleuse, la culture - la musique, la littérature, etc. - devaient être très vivantes et énergiques. Ce que j'ai trouvé a dépassé mes attentes : au Pays Basque, traditions anciennes et formes d'expression modernes, toutes deux très riches, coexistent sans s'exclure.
Je voulais découvrir des choses nouvelles et intéressantes par l'intermédiaire de la langue que j'allais apprendre. Avec le basque, j'ai trouvé ce que je voulais.
Que t’a apporté la langue basque ?
La langue basque a été la clé du Pays Basque. Les gens savent qu’un étranger qui apprend la langue du pays veut connaitre ce pays. Ainsi, grâce à la langue basque, j’ai connu des gens, et grâce à eux, une culture (la musique et le bertsolarisme que j’adore, ou la façon de vivre au quotidien, par exemple), sans traduction.
Qu’est-ce qui te plait/déplait au Pays Basque ?
· Quels sont les différences et les points communs entre le Pays Basque et le Québec ?
La situation du français au Québec, même si elle a beaucoup de points communs avec celle du basque au Pays Basque, est assez différente. Par exemple, le français est bien plus protégé que le basque. Au Québec, nous sommes tous d'accord (indépendantistes ou non) au moment de prendre des décisions politiques visant à défendre le français. Une autre différence: le Québec a beaucoup plus de droits que le Pays Basque. Par exemple, le droit de faire un référendum sur l'avenir de notre pays. Je suis resté stupéfait quand j'ai su qu'un tel référendum était illégal en Euskadi (selon les lois de l'état espagnol).
J'ai mentionné le fait que la situation linguistique au Québec est beaucoup moins dramatique qu'au Pays Basque. Il faut préciser que cette affirmation ne concerne que le français standard. Bien sûr que nous sommes tous d'accord pour protéger le français standard. Mais la langue parlée par les Québécois n'est pas le français standard, mais plutôt le québécois (différent du français à bien des points de vue), pour qui beaucoup de gens n'ont que du mépris. Encore aujourd'hui, on publie des livres à succès qui affirment que nous ne pouvons pas atteindre la pensée humaine et que nous souffrons collectivement de maladie mentale parce que nous parlons québécois. Les médias et les intellectuels crient, à la quasi-unanimité, que le québécois est une langue d'animaux. De ce point de vue-là, le Pays Basque est admirable : les dialectes (euskalkis) y sont respectés et même valorisés! Dans ce domaine, le Pays Basque a au moins 50 ans d'avance sur le Québec.
Une dernière différence : j'ai pu voir une solidarité plus grande au sein de la société basque. Les mouvements populaires basques m’ont paru plus forts qu'au Québec.
Comment peut-on rester bascophone au Québec :
· Liens entre le Pays Basque et le Québec (voyages, internet, visites venant du Pays Basque, etc.).
Je maintiens le basque en restant en contact avec les Basques de Montréal et en lisant le basque. En plus, mon coloc est basque, et nous ne parlons presque pas en français entre nous !
· L’association des basques et le cours de basque de Montréal sont-ils utiles ?
Au printemps 2001, j’ai rencontré un membre de l’Association Euskaldunak et nous avons eu l’idée d’organiser un cours de basque. Les cours continuent depuis cette époque et nous avons environ vingt élèves. Afin d’organiser ce cours, nous faisons une réunion par semaine, en basque, où j'ai la chance de pratiquer la langue pendant deux heures. Le cours de basque lui-même est aussi une autre occasion de parler le basque. Maintenir le basque à Montréal ? Sans problème.
Nicole Lefebvre :
« Y a-t-il une différence entre le basque parlé par les hommes et les femmes ? »
C’est à cette question que la thèse de Nicole Lefebvre compte trouver une réponse. L’anthropologue chercheure, ayant voyagé deux fois au Pays Basque, a répondu pendant une heure et demie, au téléphone et en basque, aux questions suivantes.
En lisant ses réponses, vous trouverez ci-dessous, l’expérience et la relation d’une autre Québécoise avec la langue basque.
Présentation du personnage
Nicole Lefebvre est née à Châteauguay. Elle habite toujours dans cette ville au sud-ouest de l’ile de Montréal. Cependant, en raison de ses études et de ses recherches, elle a été amenée à vivre en France et aux États-Unis.
Les premiers contacts avec le Pays Basque et la langue basque ont été le fruit du hasard. Cela s'est passé en 1996, quand Nicole faisait sa maitrise à l'Université de Montréal. Son sujet était l’étude de la langue française dans les chansons et son professeur / coordonnateur était un spécialiste du géorgien (langue parlée dans le Caucase). À cette époque, la sœur de Nicole lui a appris qu'une recherche prétendait que la langue géorgienne et la langue basque étaient parentes. Le professeur de Nicole, informé sur cette recherche, ne souhaitait pas aller plus loin dans l’approfondissement de cette hypothèse déjà réfutée. Cependant, il a proposé à Nicole un travail d’enregistrement de contes et légendes du Pays Basque. Après avoir répondu « Pourquoi pas ? », Nicole s’est mise à préparer son voyage au Pays Basque.
Au début, un autre de ses professeurs a mentionné à Nicole un chercheur de Bilbo qui pourrait l’aider dans ses démarches. En effet, ce chercheur basque avait fait sa thèse à l’Université de Montréal. D’autre part, Nicole s’est informée de son côté sur le Pays Basque. Elle a fait le choix d’aller en Hegoalde (Pays Basque Sud) dans le but de pratiquer l’espagnol qu’elle venait d’apprendre. Mais quelques lectures sur l’euskara lui ont donné le coup de foudre pour cette langue ! C’est ainsi que Nicole a eu ses premières relations avec la langue basque !
Comment as-tu appris le basque?
Je suis restée quinze jours à Bilbo en novembre 1996. La personne ressource que j’avais à Bilbo m’a aidée à trouver la ferme dont j’avais besoin pour ma recherche. Ce n’était pas n’importe quelle ferme : elle devait produire du fromage de brebis et être bascophone. Des connaissances de mon ami de Bilbo nous avaient dit qu’ils connaissaient une ferme respectant ces critères en Gipuzkoa. Nous sommes entrés en contact immédiatement. Pendant un mois, je suis restée dans cette ferme où habitaient le grand-père, la grand-mère, le fils et son épouse.
Par la suite, je suis restée quatre ans à Montréal pour poursuivre mes études. Au début, pendant cinq mois, j’étudiais le basque une fois par semaine avec un Basque habitant à Montréal (un autre contact de mon ami de Bilbo !). Cependant, à cause de mon doctorat, j’ai dû arrêter les leçons de basque. Ce n’est qu’en 2000 que j’ai repris l’étude du basque avec la méthode d’Alan King, que j’ai suivie jusqu'au niveau intermédiaire.
Enfin, le 11 septembre 2001, j’avais fixé le vol de mon deuxième voyage au Pays Basque. Cette fois-ci, je devais faire une étude de dix mois. J’ai dû faire cinquante entrevues avec les habitants du village où se trouvait la ferme sélectionnée. Le but était d’étudier les modes de vie, la culture, les liens et mariages, dans et entre les générations, tout cela pour étudier les points communs et les différences dans la façon de parler des femmes et des hommes. Afin de bien effectuer les entretiens, j’avais passé le premier mois de mon séjour dans un cours de basque intensif. J’avais pu m'inscrire dans un cours du troisième niveau. Les relations entre les élèves et avec les professeurs étaient très bonnes et profondes. Et, même si le niveau était un peu trop élevé, six heures par jour avec les pauses en basque, au bout d’un mois mon basque s’était amélioré.
Pourquoi as-tu appris le basque ?
L’apprentissage du basque a été la meilleure façon de connaitre et de vivre une expérience d’immersion. D’ailleurs, pour enregistrer les contes et légendes basques, il vaut mieux parler le basque ! Je dois tout de même reconnaitre qu’au début, à cause de l’immersion, j’avais recueilli moins d’informations… je ne comprenais pas suffisamment le basque ! Par la suite, pendant la dernière semaine de mon premier séjour, tout le village s’est mis à m'aider. Il est à noter que les personnes interrogées citaient tout le temps le livre de Barandiaran sur les contes et légendes du Pays Basque. Cependant, petit à petit, j'ai réussi à obtenir les histoires originales qu’attendait mon professeur.
Enfin, lors de ce premier voyage au Pays Basque (d’une durée de quarante-cinq jours), j’ai pris la décision que ma thèse serait en relation avec la langue basque !
Que t’a apporté la langue basque ?
Comme je l'ai dit, le sujet de ma thèse.
D’autre part, la langue basque m’a permis de connaitre une autre façon de vivre : les relations entre les gens ont beaucoup de particularités au Pays Basque. J’ai eu l’occasion de connaitre des modes de vie inconnus jusqu’alors : kuadrilla (groupe d’amis plus ou moins réduit, mais très liés), relations entre personnes très fortes, etc. En fait, j’ai beaucoup senti le fait que les personnes font attention aux autres. De plus, j'ai pu ressentir une forme d’équité dans le mode de vie de façon générale et dans la relation entre les hommes et le femmes.
D’autre part, et cela durant les deux séjours, ce qui m’a beaucoup impressionné a été l’attention que portaient les gens à mon égard et l'importance qu’ils me donnaient comme femme.
Enfin, le basque m’a donné un réseau de contacts : toutes les semaines, j’appelle la ferme et au Québec je découvre de plus en plus de bascophones !
Qu’est-ce qui te plait/déplait au Pays Basque ?
J’aime beaucoup la vie à la ferme. J’y ai connu une certaine forme de tranquillité et de solidarité. D’ailleurs, à la ferme, j’ai effectué de nombreux travaux en regardant et imitant mes amis !
De façon générale, au Pays Basque, les gens passent beaucoup de temps ensemble. En comparant avec le Québec, il me semble qu’au Pays Basque il y a toujours du temps (ou en tout cas on le prend !) pour rester ensemble. J’y ai d’ailleurs souvent trouvé cette drôle de situation: un ami n’a pas le temps de rester avec toi, mais il va prendre quarante minutes, bien agréables, pour expliquer cela. La relation au Québec sera bien plus courte: en dix secondes, on entendra « Je n’ai pas le temps, je te rappelle ».
D’autre part, au Pays Basque, les gens ont toujours des raisons pour faire la fête (bien manger, bien boire et chanter) !
Contrairement au Québec, les contacts entre les personnes sont bien plus physiques. Les hommes entre eux et les femmes entres elles ont des contacts physiques plus importants qu’au Québec. Maintenant, moi-même je m’y suis habituée et j’y ai pris goût !
Dans un autre domaine, au Québec, chaque maitresse de maison a sa cuisine… et ce monde-là n’est pas ouvert à des tiers. Au Pays Basque, j’ai eu l’occasion de voir cinq femmes dans une même cuisine, et elles étaient toutes ensemble maitresses de maison de la même cuisine ! Chacune faisait son travail et cela ressemblait à une sorte de danse ou de chorégraphie. Sans aucun problème, et sans que personne n’ait à donner d’ordre, le repas a été préparé. Et le plus fort, c’est que tout cela s’est déroulé avec très peu de tension ou de désaccord. Cela m’a paru une très belle expérience ! D’ailleurs, cette situation est aussi vraie avec les hommes !
Enfin, dans les bons côtés du Pays Basque, j’ai pu ressentir une solidarité dans différentes situations. Les gens s’entraident beaucoup.
Pour terminer, je dois reconnaitre que l’éloignement de la famille n'a pas toujours été très facile durant l’année que j’ai passée au Pays Basque. De façon plus anecdotique, je peux dire aussi que l’humidité en montagne n’est pas toujours facile à supporter !
Comment peut-on rester bascophone au Québec :
J’appelle à la ferme une demi-heure minimum par semaine. Je parle avec ceux qui sont devenus ma famille du Pays Basque : ma sœur de là-bas et mon ami berger !
D’autre part, pour la thèse, j’écoute toujours les enregistrements des entrevues et cela me donne beaucoup de contacts avec la langue basque. Les moyens de communication de nos jours m'aident aussi à utiliser le basque : j’écris des e-mails à des amis que j’ai connus il y a sept ans, lors de mon premier voyage ! Les e-mails sont entièrement en basque ! D’ailleurs, avec un de ces amis, je suis en train d’effectuer une traduction au français du livre «Un Basque sur mars».
Ces deux dernières années, grâce à Euskaldunak, l’Association des Basques du Québec, j’ai des relations avec les Basques d’ici. Il y a des cours de basque tous les vendredis soirs à Montréal. De plus, j’ai pu participer à la Semaine Basque 2003 en faisant une conférence sur mon expérience personnelle au Pays Basque.
Même si on ne sait toujours pas s'«il y a une différence entre le basque parlé par les hommes et les femmes ?», car les résultats de la thèse seront présentés en milieu d’année, nous n'avons aucun doute sur le fait que Nicole, Québécoise devenue maitresse de maison et bergère au Pays Basque, aura beaucoup d'occasions de pratiquer le basque dans l'avenir !
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