Anuntzi ARANA
Traducteur: Maite ITHURBIDE
Jatorrizko bertsioa euskaraz
Alors que la présence des femmes dans des domaines jusque- là réservés aux hommes devient normale, il n’y a que l’Eglise catholique et le défilé traditionaliste d’Irun-Fontarrabie qui se permettent de mépriser la parité théorique entre les sexes : en religion et pendant les fêtes, des moments symboliques.
Puisque la mythologie est faite aussi de symboles, on peut en l’étudiant, observer comment la parité fonctionne dans notre imaginaire traditionnel ; d’autant plus qu’on lit souvent que c’est dans le droit et dans la mythologie qu’on devine l’ancien "matriarcalisme" basque. Nous allons d’abord regarder comment les femmes de ce monde y sont considérées ; puis nous allons étudier les divinités féminines, pour essayer de voir si celles-ci conditionneraient la situation des femmes sur terre. Les références qui ne peuvent pas apparaître dans cet article succinct se trouvent dans deux chapitres du livre Mito Hurbilak (Mythes de proximité), éditions Gatuzain.
I. LES COUPLES DE CE MONDE
Mari, gaueko erregiña. Peinture de Rosa Valverderen,
1983. Photo: Gartxot Allende. |
Les familiers ont un inconvénient plus grave : leur propriétaire vit aisément grâce aux travaux qu’ils accomplissent pour lui, mais, quand sa dernière heure arrive, il agonise sans pouvoir mourir et il n’a pas d’autre solution que de s’en débarrasser : habituellement on donne ses familiers à un tamis ou à un animal, ou encore à une personne, et alors le preneur s’envole, emporté par eux.
Un berger d’Orozko avait introduit ses familiers dans la clochette (ou dans l’anus, cela dépend des versions), de sa chèvre; l’animal partit immédiatement dans les airs et malgré qu’on ne put plus la voir, on entendait sa clochette retentir dans le ciel.
Dans nombre de dictons la femme est comparée à la chèvre ("La chèvre n’est pas un animal domestique, la femme n’est pas une personne", on dit à Oztibarre).
Souvent c’est aux femmes qu’on donne ses familiers. Il y avait à Orozko (Biscaye) une jeune fille sorcière, Jakoa. Elle ne pouvait rester nulle part, elle s’envolait toujours , elle venait et s’en allait dans l’air, et cela à cause que, quand son père tomba malade, il lui offrit ses lutins et elle les accepta.
La même chose arriva à la Dame d’Anboto : elle était servante chez une vieille fille qui, à l’heure de la mort, lui remit ses familiers. Elle les prit et la maîtresse mourût, mais la fille fut condamnée à errer dans les airs : elle passait sept ans à la montagne d’Anboto et, ensuite, autant à celle de Gorbeia.
Dans d’autres légendes de la Dame d’Anboto, c’est la mère qui maudit sa fille parce qu’elle passait son temps à se coiffer. La mère lui lança : "Que l’éclair t’emporte"; et la fille aussitôt s’envola, tout feu et flamme dans l’orage. D’autres prétendent que la Dame avait été mariée, qu’elle ne voulait pas aller à l’église et que son mari -ou son frère- l’amena par force; et plutôt que d’ y entrer, elle prit feu et s’enfuit dans les airs.
Fée. Photo: María Abásolo Jáuregui. |
Dans certains récits de sorcellerie, des maris ou des fils tuent leur femme ou leur mère sorcière. D’après une version d’ Azkue, le prêtre "désensorcela sa mère à force de bénédictions". Mais, d’après celle d’Orozko, il la fit brûler.
On peut établir les corrélations suivantes d’après les rapports entre les partenaires de ces couples: père/mère = maîtresse /servante = mère/fille = mari/femme = frère/soeur = fils/mère.
Il est normal que le père ou la mère soient dominants par rapport à la fille, c’est la logique généalogique dans une relation verticale. Il est également normal que la maîtresse domine sa servante: juste ou injuste, c’est la logique socio-économique. Par contre il n’est pas normal que le mari ou le frère soient supérieurs à leur femme ou à leur soeur, parce que la relation entre eux est horizontale selon la généalogie (même génération) et aussi selon la gradation socio-économique. La seule raison pour expliquer la supériorité du mari, du frère ou du fils, est le sexe.
Les armes et la guerre, parce que très liées au pouvoir sans doute, sont l’attribut et la tâche des hommes. C’est ainsi dans la légende de la Lamina zauritua (La fée blessée), qu’on raconte dans tout le Pays Basque. Dans une maison, les femmes restaient tard filer la laine au coin du feu, sans que les hommes le sachent ; un soir, elles cassaient la croûte quand une fée descendit de la cheminée mendier une bouchée de lard et, pour avoir la paix, elles la lui donnèrent. Et tous les soirs ainsi. Excédées à la fin, elles dénoncèrent le fait au maître de maison et le lendemain c’est lui qui resta filer. Quand la fée apparût, le maître de maison lui enfonça la broche rougie par la bouche, ou par le derrière d’après la légende souletine. Et depuis les visites se terminèrent.
Fée. Photo: María Abásolo Jáuregui. |
D’après les versions d’Eskoriatza et d’Elantxobe, c’est la maîtresse de maison qui prend la broche pour attaquer la sorcière ou la fée. Mais en général, ce sont les hommes qui blessent, et la fée proclame la masculinité de l’arme, quand, en sentant la broche, elle s’écrie : "Cet homme a la barbe rêche". Dans la version souletine, l’attaque est explicitement phallique (Les familier" aussi sont utilisés phalliquement quand ils sont donnés au symbole féminin qui est la chèvre).
II. DIVINITES FEMININES ET FEMMES
Les tenants d’un matriarcat basque affirment que, puisque dans la vieille religion basque les divinités féminines, et particulièrement Mari (La Dame d’Anboto), tiennent la place la plus haute, dans la société aussi il devait y avoir une parité entre les sexes.
Je me demande si ce point de vue ne serait inspiré des théories évolutionnistes des anthropologues Bachofen et Morgan, véhiculées après par l’œuvre d’Engels , « Les origines de la famille, de la propriété privée et de l’état « (1884) où la notion de communisme primitif est liée au matriarcat et celle de la propriété privée au patriarcat . Actuellement l’évolutionnisme est écartée en anthropologie et nulle part n’a été prouvé que une religion avec des divinités féminines produise un matriarcat dans le domaine socio-politique.
Géant. Photo: María Abásolo Jáuregui. |
Suite aux recherches de Barandiaran, Mari a beaucoup de succès dans les travaux sur la mythologie basque ; on lui devrait les toponymes "Donamaria" et "Sainte-Marie", quand ce n’est pas le nom du dolmen " la maison des Mairu" (les Maures) , transformé pour les besoins de la cause en " Maison de Mari". Nous sommes soumis à une certaine « Marimanie ».
En fait, nous avons d’autres personnages dans notre mythologie : fées, maures, géants, ogres, cyclopes... D’après Chaho le personnage de « Basajaun » (Seigneur sauvage) est « le plus populaire de tous ces mythes Pyrénéens ».
Une divinité qui par l’intermédiaire de la tempête ou de la sécheresse conditionne la moisson, tel que le fait la Dame d’Anboto, a sans doute beaucoup d’importance; à la différence des autres, elle a une personnalité très marquée et un nom propre : on la désigne toujours au singulier. Mais elle n’est pas notre seule « faiseuse de météo » ; il y a aussi le dragon et le chevalier diabolique qui apportent l’orage et la grêle.
Basajauna. Photo: María Abásolo Jáuregui. |
De toute manière, être tempestaire n’est pas nécessairement positif. De l’avis d’un pilote d’avion chasseur d’ouragans dans le golfe du Mexique, ces tempêtes tropicales "sont des créatures fantasques et imprévisibles, c’est pour cela qu’on leur donnait des noms de femme" jusqu’à ce que les féministes s’en inquiètent en 1979.
Historiquement, les divinités féminines n’ont pas donné le pouvoir aux femmes de la terre. Dans les cultures anciennes étudiées par Bachofen il y a bien des déesses de la terre, mais aucune parité entre les sexes. Aujourd’hui aussi personne ne croira que ceux qui s’agenouillent devant la Vierge de Guadalupe soient exempts de misogynie, que ce soit au Mexique ou à Fontarrabie.
III. LA DAME D’ANBOTO EST-ELLE LA TERRE MERE ?
Mari. Photo: María Abásolo Jáuregui. |
C’est un paradoxe que ceux qui cherchent à établir la parité, prennent appui sur une symbologie sexiste, où ce qui est en haut revient aux hommes et ce qui est en bas revient aux femmes, car nous savons bien que le haut signifie supériorité et le bas infériorité. On nous parle sans arrêt de la "Terre Mère", en affublant de cette appellation une divinité jamais nommée de la sorte dans notre tradition qui en fait est une divinité plutôt céleste que souterraine. Ainsi on reste aveugle aux rares éléments que la mythologie offre à la thèse matriarcaliste.
D’autres catégories génériques sont attachées à la terre d’une façon axiomatique dans notre entourage culturel : les femmes sont intuitives, charmeuses et cruelles, illogiques et capricieuses, du côté de la nuit ; les hommes, la lumière, la fiabilité, la rationalité. Et c’est dans un tel schéma que se trouvent piégés ceux qui cherchent un inconscient collectif basque matriarqualiste dans une déesse souterraine.
IV. LOGEES A LA MEME ENSEIGNE
Etant donné que notre mythologie montre des femmes plutôt dominées par les hommes et plus faibles qu’eux, il est difficile de conclure qu’elle reflète un ancien matriarcalisme basque. Quand même, de temps en temps, des femmes fortes apparaissent dans nos récits ; les versions sont nombreuses, les interprétations différentes et c’est cela le côté positif de la tradition : elle n’est pas dogmatique, elle n’impose pas une orientation unique au conteur, au contraire elle lui offre le choix de l’histoire et du sens qu’il veut privilégier; et on peut toujours trouver des versions allant contre le sexisme général.
Pour autant, nous devons assumer ce qui nous appartient et ne pas tomber dans l’auto- encensement, en s’obstinant à soutenir que ce sont les indo-européens, la romanisation et le judéo-christianisme qui ont nous amené le sexisme local. Il vaut mieux savoir que le mal est profond et étendu, et qu’il n’est pas facile d’en débarrasser notre inconscient : nous n’avons pas de modèle de parité, nous devons le créer, parfois en nous opposant à certains symboles, malgré qu’ils nous soient très chers.
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