50 ans au Québec… et toujours bascophone ! (2/2)

Maitane Arizti, Naroa Azurmendi, Adur Basurko Pérez de Arenaza, Etor Garat, Xabier Harlouchet, Haritz Mazizior, Urko Rodriguez, Michel Usereau
Jatorrizko bertsioa euskaraz

Le texte ci-après est la suite de « 50 ans au Québec…et toujours bascophone ! (1/2) » ! Cette fois, nous allons présenter l’expérience de Jules Candau, originaire de Luxe-Sumberraute, et de Jean Osptial, d’Ossès. Les deux sont venus vivre au Québec il y a plus d’un demi-siècle. Après la présentation de leur histoire, nous verrons les chemins qu’ils ont empruntés pour garder la langue basque. Enfin, si le lecteur souhaite plus d’informations, nous l’invitons à participer aux activités d'Euskaldunak (www.euskaldunakquebec.com), l’Association des Basques du Québec. Sans aucun doute, il aura l’occasion de rencontrer dans une ambiance hors pair messieurs Candau et Ospital !

Jules Candau

Présentation

Hors du Pays Basque, dès qu’on effectue une recherche dans les annuaires téléphoniques, on retrouve assez vite des noms basques. Au Québec, par exemple, la liste des noms basques est très grande. Il est vrai que dans la plupart des cas, les personnes au nom basque sont des immigrants venus d’Amérique Latine. Ainsi, leurs relations avec le Pays Basque et la langue basque sont lointaines : en effet, ce sont des familles qui ont quitté le Pays Basque depuis plusieurs générations ! En appelant Jules Candau, nous ne pensions pas faire la connaissance d’un bascophone ! Tout a commencé quand nous avons commencé à faire l’annonce des cours de basque de Montréal aux membres d’Euskaldunak. L’invitation téléphonique de Jules Candau a commencé en français. Nous lui faisions la promotion des cours de basque quand il nous a répondu en basque ! La conversation a continué en basque et c’est ainsi que nous avons découvert un bascophone de 76 ans vivant au Québec depuis 53 ans. Quelques semaines plus tard, nous étions chez Jules Candau, à Ste-Martine, au sud-ouest de l’ile de Montréal, pour avoir cet entretien.

23 ans au Pays Basque...

Jules Candau est né le 1 1er juin 1927 à Luxe-Sumberraute (http://www.infobasque.com/villes/vilacc-f.htm; http://www.bascoweb.com/VILLES/L/luxesumb.htm), à la ferme Erdoia, près de St-Palais, vers Garris. Il est l’ainé d’une famille de six enfants.

Son grand-père s’appelait aussi Jules Candau et est né en 1873. Il avait une relation très proche avec son petit-fils Jules. Il a participé à la Première Guerre mondiale. Il aimait beaucoup promener son petit-fils dans les marchés de Bidache, La Bastide, Hatingues et Peyrehorade.

Sa grand-mère, d’Orègue, à 15 km de St-Palais vers l’ouest, s’appelait Marie-Anne Chorry.

Les Candau avaient une ferme de trente-deux hectares qu’ils exploitaient comme métayers : ils travaillaient avec une trentaine de vaches et une paire de bœufs… À l’époque où est né Jules Candau, la plupart des maisons de son village, une quarantaine environ, étaient des métairies. En fait, trois grandes familles (Gai, Berrogain et Lassalle) avaient la propriété des châteaux et des terres de la région.

Après avoir obtenu le Certificat d’Étude, à l’âge de 12 ans, Jules Candau quitte l’école pour travailler dans la ferme familiale.

Il a retenu deux histoires de son enfance :

* Suite à la Guerre Civile d’Espagne, l’école municipale avait dû recevoir 30 élèves supplémentaires. À partir de 1936, l’école qui avait près de trente-cinq élèves en temps norma,l devait accueillir près de soixante-cinq élèves. Même si la seule langue autorisée à l’école était le français, les bascophones parlaient en basque entre eux. Grâce à cela, Jules Candau avait eu l’occasion de se faire de nouveaux amis.

* En 1938, François Louvigné, son maitre d’école, avait conduit toute la classe à la plage d’Hendaye. De là, c’est avec stupeur qu’ils virent un des bombardements aériens de la Guerre Civile (a priori sur Irun).

Après avoir laissé l’école entre 15 et 20 ans, Jules Candau a dû suivre sa préparation militaire à St-Palais en vue d’une participation à la Guerre. Même s’il n’avait pas été appelé à participer à la Guerre, de 1947 à 1948 il a effectué son service militaire dans le nord de la France et en Allemagne (Berlin) comme chauffeur de camion.

… vers le Québec

Dès la fin de son service militaire, Jules Candau était retourné à la ferme. Il avoue que le travail à la ferme ne l’inspirait pas beaucoup à l’époque. Le rêve américain avait commencé à le travailler et il a décidé d'entreprendre l’aventure dans les meilleurs délais. Pour cela, il s'est mis à écrire des lettres aux employeurs du Québec faisant des offres aux immigrants. Il a eu une seule réponse et par chance, elle était positive ! Le frère de Jules Candau ayant un intérêt plus grand pour le travail à la ferme, il est devenu responsable de la maison familiale dès la fin de son service militaire, ce qui a libéré Jules Candau qui commença son voyage pour le Québec… en prenant un bus pour Bayonne. De là, il est parti en train pour Paris et a pris le bateau au Havre. C’est le 6 juin 1950 qu’il a embarqué au Havre, avec la compagnie Cunard. Deux autres Basques (une Méharin et un autre des Aldudes) ont voyagé avec lui.

D’une certaine façon, il reconnait avoir donné suite à une tradition familiale : au début du siècle, du côté de son grand-père, des membres de la famille étaient partis en Californie, et du côté de la grand-mère vers l’Argentine.

... et 53 ans au Québec !

C’est en partie pour quitter le travail à la ferme que Jules Candau a laissé le Pays Basque. Arrivé au Québec, plus précisément à Montréal, son premier emploi était aussi relié à la terre. Il a travaillé pour un certain monsieur Soliec, un immigré breton venu durant les années 30. Dès juillet 1950, il transportait en camion les légumes des terres du sud-ouest de Montréal (la région de Ste-Martine) vers le centre de Montréal.

Suite à ce premier emploi, le réseau de contacts de Jules Candau s’est agrandi. Peu après, il a eu l’occasion de travailler pour la famille Goyette, des entrepreneurs de la région de Ste-Martine.

Avant la fin de l’année 1950, il a fait son premier voyage hors de la région de Montréal. À cette époque, les Américains construisaient un réseau de radars pour protéger le nord du continent américain de l’URSS. C’est ainsi que Jules Candau a posé sa candidature pour travailler à la base de Frobisher Bay (http://www.destinationnunavut.com/tourisme/culture/ccm_iqa.htm; http://maps.nrcan.gc.ca/visualisation/carte_iqaluit.html; http://www.destinationnunavut.com/tourisme/culture/cc_carte.htm). De nos jours, cette ville a pris le nom inuit de Iqaluit.

Cartes pour la localisation :

* Interactive : http://atlas.gc.ca/site/francais/maps/
reference/national/politicaldivisonsinteractive

* Normale : http://atlas.gc.ca/site/francais/maps/
reference/national/can_political_e

Durant les sept années qui vont suivre, Jules Candau travaillera six mois par an à cet endroit en faisant divers travaux liés au déneigement de la base et de ses environs.

En 1957, il est allé pour la première fois rendre visite à sa famille au Pays Basque.

Après être retourné au Québec, Jules Candau s’est marié avec la fille de la famille Caron, propriétaire de l’hôtel principal de Ste-Martine. Ses aventures au nord du continent ont pris fin sur-le-champ ! Durant les deux ou trois ans qui ont suivi, il a participé aux travaux de canalisation du fleuve Saint-Laurent et a finalement rejoint la brasserie Labatt en 1960. C'est dans cette entreprise qu’il a rencontré pour la première fois Raymond Barbeau, un des fondateurs du RIN (Rassemblement pour l’Indépendance Nationale)

(http://membres.lycos.fr/independance/organisations/rin/index.php). Jules Candau travaillera chez Labatt jusqu’à sa retraite.

Candau et son épouse ont fondé une famille de trois enfants. Leur fils est actuellement maire de Ste-Martine. La fille ainée vit dans une ferme de Ste-Martine et fait des travaux de secrétariat. Enfin, leur plus jeune fille travaille pour le compte du gouvernement fédéral à Ottawa.

Argazkia
Jules Candau dans le salon de sa maison.

Les liens avec la langue basque et le Pays Basque :

Même si au début la mère de Jules Candau lui écrivait une carte en basque aux quinze jours, les relations avec la famille se sont surtout maitenues par téléphone.

Avec quelques connaissances et amis bascophones du Québec, Jules réussissait à dérouiller son basque. Deux autres membres de l’Association Euskaldunak, Jean Lucu et Hélène Bidegain, arrivés à la même époque que lui, sont des exemples de personnes qui ont souvent parlé en basque avec Jules. Cependant, Candau a reconnu que les conversations en basque se réduisaient parfois à quelques mots : après avoir dit « Azkar Aldi ?!? » (ou « Ça va fort ?!? ») la conversation glissait rapidement au français. À Forbisher Bay, il n’avait eu qu’un seul collègue parlant basque : Henri Laberrondo de Tardets.

Jean Ospital

Présentation

Jean Ospital est une référence parmi les Basques du Québec. Il est arrivé il y a près de 53 ans au Québec, et à l’époque, avec ses 19 ans, il était le plus jeune des nouveaux arrivés ! D’autre part, il participe aux activités de l’association Euskaldunak (www.euskaldunakquebec.com) et par sa présence dans les différentes rencontres, il renforce l’ambiance bascophone avec sa langue maternelle qu'il maitrise toujours très bien.

19 ans au Pays Basque...

Jean Osptial est né en 1931 à Ossès
(http://www.infobasque.com/villes/osses.htm; http://www.bascoweb.com/VILLES/o/osses.htm). Il est l’ainé d’une famille de six garçons et une fille. Le père de Jean, Pierre Ospital, est né le 20 avril 1893. Après avoir été blessé lors de la Première Guerre mondiale, il est retourné à Ossès pour sa convalescence. De là, il s’est enfui via Arnegi vers le sud et a pris le bateau pour les États-Unis (un voyage de vingt-quatre jours). Aux États-Unis, il est resté cinq ans comme berger puis cinq autres années comme livreur de fourrage. En 1930, il est retourné au Pays Basque et s'est installé comme fermier à Ossès (après avoir effectué un passage en prison de deux mois pour avoir quitté son lieu de convalescence en temps de guerre).

En plus de son père qui était resté près de dix ans aux États-Unis, Jean Ospital avait un autre lien avec l’Amérique du Nord. Un de ses oncles était encore « aux Amériques » et lui avait fait parvenir une lettre sous forme d’invitation en 1949. Cet oncle travaillait avec le coton et lui avait passé les coordonnées d’un agent de voyage spécialisé avec les États-Unis, un certain monsieur Sureau. Cet agent organisait tous les dossiers nécessaires pour envoyer des jeunes du Pays Basque vers les États-Unis.

Cependant, Jean avait deux obstacles à surmonter:

· Son jeune âge : il avait 19 ans et il lui fallait attendre encore deux ans avant d’être majeur. Son père avait dû rassurer sa mère en lui expliquant que l’interdiction ne ferait que retarder un départ inéluctable.

· La durée d’obtention du visa : pour les États-Unis, il lui aurait fallu attendre deux ans.

Comme ses parents l’avaient finalement autorisé malgré son jeune âge, l’agent de voyage lui avait mentionné qu’il pourrait obtenir dans un délai assez court un visa pour le Canada. Tout de suite intéressé, Jean commença à monter son dossier en décembre 1949, et le 24 mars 1950 il arrivait à Montréal !

Argazkia
Jean Ospital.

... et 53 ans au Québec !

Dans un premier temps, il aurait dû travailler comme jardinier à Laval (http://www.ville.laval.qc.ca/ ), une ville au nord de Montréal. Cependant, le jour de son arrivée, la personne responsable de l’accueil des nouveaux arrivants lui a annoncé qu’il y avait du travail à Clova (http://www.mtq.gouv.qc.ca/fr/information/carte_routiere/index.asp + http://atlas.gc.ca/site/index.html). En fait, au lieu de faire un voyage d’une vingtaine de kilomètres pour se rendre à Laval, il a dû faire près de 500 kilomètres en direction du Nord du Québec.

Le voyage vers Clova a commené en train et s'est achevé en camion. Là-bas, il y avait onze entreprises, embauchant chacune entre 125 et 275 travailleurs. Durant les six premiers mois, Jean a travaillé comme déchargeur de camions. Lui qui avait tout fait pour éviter d’être bûcheron dans les grandes forêts (il ne se trouvait pas assez fort et grand), n’avait pu échapper, au début, à un travail assez physique. Il avait tout de même appris à conduire d’énormes camions de chantier, ce qui a été son métier durant les deux années et demi qu’il a passées à Clova en distribuant les combustibles.

Durant les premières années qu’il a passées au Québec, Jean a trouvé assez vite des bascophones : trois personnes d’Ossès-St-Martin d’Arrossa (Jean Landetxeberria et les frères Padagoi), et Fagoaga d’Espelette.

Assez vite, un autre habitant de St-Martin d’Arrossa, Erramun Amestoy, l’a rejoint à Clova. Ils avaient rapidement sympathisé et Erramun aussi était devenu chauffeur de camion. C’est ce dernier qui lui a mentionné qu’il y avait des opportunités de travail dans le nord de Sept-Iles.

Sept-Iles se trouve à 900 kilomètres de Montréal, plus précisément sur la rive nord de l’estuaire du fleuve Saint-Laurent. Cette ville était en fait le port d’exportation des cinq mines se trouvant à 600 kilomètre à son nord.

Ospital et Amestoy ont décidé d’aller travailller pour les différents chantiers et mines de cette région. Et c’est ainsi qu’ils sont arrivés à Schefferville (www.ntic.qc.ca/~dnobert/), une ville minière en construction. C’est avec surprise qu’ils se sont rendus compte qu’il y avait près de trente personnes du Pays Basque qui y travaillaient. D’ailleurs, la moitié étaient chauffeurs de camion comme Ospital. Ils venaient d’Ossès, de Bayonne, de Saint-Palais, de Mauléon et de Louhossoa.

La ville de Schefferville et les mines ont été construites entre 1950 et 1954. En fait, durant cette période, c’est un port, plus de 500 kilomètres de chemin de fer, des barrages, etc, qui ont été construits. Tout cela pour que durant trente ans, les minerais soient transportés à Sept-Iles puis exportés de là. Dans les années 1980, les activités des mines ont commencé à diminuer et la population de Schefferville aussi.

En 1957, avec son ami Bernard Elissalde, Jean Ospital est parti en vacances à Montréal et a fait la connaissance d’une jeune Québécoise qui allait devenir son épouse durant la même année. C’est alors qu’il a décidé de s’installer à Montréal et de travailler comme aide-maçon, puis assez rapidement comme chauffeur de camion.

Le 30 octobre 1970, il a eu un grave accident qui l’a empêché de travailler pendant onze mois, ce qui n'a pas été suffisant pour lui retirer le goût de la conduite. Par la suite, durant près de vingt ans, il a été chauffeur d’un camion distribuant du ciment de Montréal à Québec.

Malheureusement, en 1989, un autre accident a obligé Jean Ospital à prendre sa retraite.

Liens avec la langue basque et le Pays Basque :

Jean Ospital nous a souligné le fait que les visites à sa famille ont été un excellent moyen de maintenir sa langue maternelle. En 1956, alors que ça faisait près de six ans qu’il était au Québec, il a décidé de retourner au Pays Basque pour visiter les siens. Son deuxième voyage s'est déroulé en 1967, avec son épouse et sa fille. Dans les premiers temps, les cartes à sa mère ainsi qu’à ses frères et sœurs lui permettaient de maintenir le basque. Cependant, les appels téléphoniques ont pris le dessus. Enfin, même s'il ne retourne au Pays Basque qu’environ tous les six ans, il mentionne que les champs sont bien plus envahis par les broussailles que durant sa jeunesse !

Pour conclure, nous souhaitons remercier Hélène Bidegain, Jules Candau et Jean Ospital ! Grâce à eux, de jeunes bascophones ont eu l’occasion de connaitre l’histoire et la géographie du Québec. À travers ces entretiens en euskara (langue basque) ils nous ont fait mieux comprendre une partie de l’histoire de cette région de l’Amérique du Nord !

Nous invitons à nouveau les lecteurs à faire la connaissance en direct de Bidegain, Candau et Ospital… En plus de connaitre des expériences personnelles très intéressantes, c’est le Québec qu’ils pourront découvrir grâce à la langue basque !

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