Marion MORIN
Depuis le début de mes années universitaires, j’ai toujours eu pour ambition professionnelle d’œuvrer dans le domaine culturel au Pays Basque. Territoire très riche où la dimension culturelle est importante, c’est avec motivation que je me suis engagée à participer à la promotion et au développement de cette culture. Le secteur culturel du spectacle vivant Jeune public comporte des particularités étonnantes lorsqu’il est créé sur un territoire transfrontalier. À cheval sur deux États, le Pays Basque fait partie de ces territoires où la langue tient une place prépondérante dans toute forme d’activité culturelle, et plus spécifiquement au sein des spectacles à destination du Jeune public.
Mon travail de recherche a été orienté autour du secteur du spectacle vivant Jeune public en langue basque pour deux raisons très personnelles. Du collège à l’université, l’art a été moteur dans ma scolarité et c’est la raison pour laquelle j’attache une grande importance à l’Éducation Artistique et Culturelle. De ce fait, je porte une grande et toute particulière attention aux actions de sensibilisation artistique. Native de Quimper et installée au Pays Basque depuis l’âge de six ans, la dimension identitaire et la préservation du patrimoine culturel me sont chères.
Le travail de recherche que j’ai effectué au sujet du spectacle Jeune public au Pays Basque relève d’un travail de seconde année de master professionnel. Par conséquent j’ai posé mon objectif à l’endroit où j’effectuais mon stage de fin d’étude (Service culture - Agglomération Sud Pays Basque), c’est pourquoi je préfère parler de “photographie” plutôt que d’état des lieux car un état des lieux se doit d’être davantage exhaustif.
Afin de bien comprendre les enjeux du spectacle vivant jeune public sur le territoire basque, il est indispensable de dresser une brève photographie du spectacle vivant Jeune public en France. Développé dès les années 1970, le spectacle Jeune public en France a été dans les années 1990 au cœur du débat des politiques culturelles et du développement des publics. Cette période marque l’émergence du spectacle vivant Jeune public. Ce secteur regroupe un large réseau d’acteurs : artistes, collectivités territoriales, professionnels du secteur culturel et social, structures d’enseignement de la maternelle à l’université, professionnels de la petite enfance, etc. En définitive, il réunit les acteurs qui sont en lien, de près ou de loin, avec l’enfance et la jeunesse. Bien que ce secteur soit en plein développement, les acteurs doivent véritablement se battre pour rester visibles sur la scène artistique et culturelle française car ils manquent terriblement de reconnaissance et de soutien financier. En 2008, le Ministère de la Culture et de la Communication a réalisé une étude sur les conditions du Jeune public en France, notamment parce que l’association Scène(s) d’enfance et d’ailleurs lui en avait soufflé la demande. Par la suite, en 2012, l’association Scène(s) d’enfance et d’ailleurs a publié le Manifeste pour une politique artistique et culturelle en direction de la jeunesse. Ce Manifeste contient quarante propositions pour le Jeune public. Initiée par Scène(s) d’Enfance et d’Ailleurs et portée par le Ministère de la Culture et de la Communication, une des propositions a donné lieu à “La Belle Saison”, un rendez-vous artistique national pour l’enfance et la jeunesse de juillet 2014 à décembre 2015. Réaliser un “temps fort” pour apporter une visibilité au secteur, en initiant une dynamique nationale en faveur de la création pour l’enfance et la jeunesse pour passer d’une dynamique fragile à une dynamique pérenne.
Intéressée par ce secteur et l’énergie consacrée à cette Belle Saison, mon étude s’oriente sur le secteur Jeune public et son existence au sein de l’espace transfrontalier du Pays Basque. À savoir quelles sont les motivations des artistes qui créent des spectacles Jeune public et des acteurs qui en font leur politique culturelle ? Quelles sont les conditions de création et de diffusion sur ce territoire ? Est-ce que l’enjeu du spectacle vivant Jeune public est saisi dans toute sa complexité par les acteurs culturels transfrontaliers du Pays Basque ?
Dantza Hirian 2014.
Photo: CC BY - Dantzan
Pour tenter de répondre à ces interrogations, je me suis penchée sur la place du spectacle vivant Jeune public sur le territoire transfrontalier du Pays Basque afin de comprendre en quoi la spécificité linguistique de ce type de spectaclespermet de développer de véritables enjeux.
La particularité transfrontalière du Pays Basque permet aux projets culturels de bénéficier des outils de la coopération transfrontalière. Au regard des nombreux acteurs intervenant dans ce domaine, un véritable chevauchement des actions culturelles se constate. En effet, les actions culturelles existantes concernent essentiellement le secteur du spectacle vivant et plus particulièrement la danse, et s’adressent au “grand public”. Parmi les diverses actions transfrontalières dans le secteur du spectacle vivant sur le territoire du Pays Basque, nous avons identifiés : Ballet T, Regards croisés, Eszena T, Dantza Hirian, Hameka Euskaraz, ... . Quelques exemples d’initiatives dans le secteur du spectacle vivant, mais des initiatives qui restent cependant minimes en terme de Jeune public. Mais, si les acteurs et les actions sont multiples, leur objectif est commun : rechercher une meilleure circulation des œuvres et des publics sur le territoire du Pays Basque.
Si la danse est à la tendance au Pays Basque, et si l’art chorégraphique se développe en tant que patrimoine du Pays Basque, c’est parce que la danse basque dispose d’un riche répertoire en matière de danses traditionnelleset populaires basques. Il convient de noter que c’est aussi grâce à l’attachement de la population à cette tradition, à la volonté d’en faire un patrimoine culturel vivant, et surtout grâce aux figures emblématiques du monde chorégraphique que ce patrimoine est toujours en lien avec les sociétés.
Lors de cette étude nous avons constaté que le spectacle vivant participe aux coopérations culturelles transfrontalières. Même si le Jeune publicne ressort pas forcément dans les exemples transfrontaliers précédents, au Pays Basque Nordle spectacle vivant Jeune public esttrès présent. Il l’est grâce à l’intérêt porté par les artistes tels que les Compagnies EliralE, lagunArte, Hecho en casa, Rouge Elea, Théâtre des chimères, Théâtre du rivage, etc. et les acteurs culturelscomme les collectivités territoriales (Aspb, Spbn, le conseil départemental 64, etc.), les associations comme Biarritz Culture et la Scène Nationale, etc. Qu’ils soient artistiques ou institutionnels, les acteurs reconnus dans ce secteur ont tous un objectif commun : éveiller la sensibilité artistique des enfants et des jeunes. Au Pays Basque Sud, DonostiaSan Sebastián Capitale européenne de la Culture 2016 s’intéresse également au Jeune public. D’ailleurs, des journées professionnelles ont été organisées au printemps 2015 sur la notion de médiation dans le domaine du Jeune public. En outre, l’appel à projets Mugalariak en faveur de la création et de la médiation artistique s’intéresse notamment au Jeune public et aux actions de médiation qui lui sont chères.
Malgré la volonté des acteurs identifiés et malgré les actions émergentes, le spectacle Jeune public sur le territoire transfrontalier du Pays Basque —tout comme sur le territoire national français— semble avoir du mal à se frayer un chemin.
En réalité, les projets transfrontaliers rencontrant un véritable succès dans le domaine du Jeune public —excepté la danse— sont ceux en langue basque.Une offre culturelle qui supprime les frontières symboliques entre le Nord et le Sud. Le Pays Basque dispose d’un patrimoine culturel fort, la langue basque en étant le constituant majeur, et c’est la raison pour laquelle le spectacle vivant Jeune public vise à la transmission de ce patrimoine, tant pour la tradition que pour l’avenir. Mais au-delà de cette transmission, les visions semblent diverger en fonction des acteurs, et plus particulièrement des créateurs. Le spectacle Jeune public en langue basque est confronté à plusieurs problématiques dont celle du public visé, et celle des divergences existantes entre le Pays Basque Sud et le Pays Basque Nord quant à l’essence même du spectacle Jeune public.
Toutefois le projet d’accompagnement de l’Institut Culturel Basque ouvre une voie pour le spectacle Jeune public en langue basque. En effet, inscrit dans la dynamique en faveur de la création pour l’enfance et la jeunesse, l’Institut Culturel Basque considère que l’offre des spectacles Jeune public au niveau national est pléthorique face à l’offre Jeune public en langue basque. Par le biais de son projet d’accompagnement “Kimu”, l’ICB soutient l’émergence de la création Jeune public et la coopération, et met l’accent sur la collaboration entre acteurs culturels et artistiques sur le territoire transfrontalier. Le pari de construire ce projet sur une collaboration transfrontalière est remarquable.
À l’image du réseau Jeune public en France, les acteurs du Pays Basque s’investissent dans ce domaine par conviction d’être au plus près du public, de partager et de démocratiser l’offre culturelle, de générer des relations intergénérationnelles.
”Sans échanges, l’Europe demeurera une juxtaposition d’individus habitant dans un espace commun sans se connaître. La démocratie ne se réduit pas à des Institutions ni même à un mode d’organisation. Elle s’éteint si elle n’est pas animée par les forces de l’esprit, de l’art et de la recherche.”
Robert Schuman1
1 Jean-Baptiste Nicolas Robert Schuman (1886-1963) est considéré comme l’un des pères fondateurs de la construction européenne avec Jean Monnet.
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